Le castor est devenu l’emblème officiel du Canada le 24 mars 1975, lorsqu’une « loi portant sur la reconnaissance au castor (castor canadensis) comme symbole de la souveraineté du Canada » reçut la sanction royale. Donc, c’est officiel, le castor est le symbole du Canada. Les gens de Sainte-Brigide n’y sont pour rien. Ce castor est le même que celui qui apparait sur le 5 cents. Les Brigidiens n’y peuvent encore rien.
Il serait fort étonnant que la reconnaissance de cette bête, qui faisait la richesse des coureurs de bois au temps où le Québec s’appelait la Nouvelle-France, où le commerce du castor se nommait la pelleterie et les Amérindiens s’appelaient les Sauvages, trouble la quiétude des Brigidiens. Cependant, depuis que cette honorable bête a adopté le complexe d’Hydro-Québec de construire des barrages un peu partout sans souci aucun des préoccupations écologiques, quelques agriculteurs de Sainte-Brigide n’apprécient guère sa présence dans les cours d’eau qui sillonnent leur terre.
Qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, les castors ont tenté à quelques reprises d’établir leur domicile dans la municipalité. Et ils ont réussi. Or, il est connu que les agriculteurs n’apprécient pas de voir leur champ de maïs transformé en mare d’eau ni leurs bouleaux ornementaux réduits en copeaux… Le problème avec ces symboles canadiens, car problème il y a, c’est qu’ils étaient très nombreux dans la paisible municipalité agricole de Sainte-Brigide. Tout le monde sait qu’il y a un camp militaire à Farnham, cette municipalité voisine de Sainte-Brigide, mais ce que peu de gens savent, c’est que, dans ce vaste terrain, en grande partie laissé aux caprices de la nature, on laissait les castors agir selon leurs instincts de géniteur et de constructeur de barrages. Bien que le camp militaire soit de compétence fédérale, les castors ne se gênent pas pour immigrer à Sainte-Brigide, de juridiction provinciale ; il semblerait que l’espace du camp était saturé de castors.
Un producteur céréalier qui voit son champ de soja ou de maïs se métamorphoser en étang appelle la municipalité. L’inspecteur municipal, qui assume les anciennes fonctions d’inspecteur agraire, se fait homme de la situation et vient au secours de l’agriculteur sinistré. La loi permet aux municipalités d’envoyer ce symbole national ad patres, moyennant une déclaration au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, devenu depuis ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
Patrick Bonvouloir, lors de son premier mandat comme maire, fit des pressions sur les responsables de la Garnison de Farnham pour qu’ils exercent un contrôle sur la population de ces bêtes. Ces derniers avançaient la thèse du respect de la nature ; il fallut que la municipalité les menace de leur refiler la facture de la chasse aux castors et du démantèlement de leurs barrages pour qu’ils cèdent aux arguments de la municipalité. Depuis lors, les castors et les agriculteurs cohabitent en paix…
Luc Lewis. Sources : Marc Drouin et Victor Bonvouloir. Janvier 2018.