Ce 15 mars 1937, la grande salle de l’étage de la salle publique de Sainte-Brigide a peine à contenir la foule qui s’y entasse. En effet, cent cinquante personnes ont répondu à l’appel du maire, J.-A. Brisson. Ce dernier, dans un style approprié, présente à l’auditoire Hercule Robert, de la Section des Conserves du ministère de l’Agriculture du Québec. L’auditoire est tout ouïe : ce n’est pas tous les jours que Sainte-Brigide accueille un représentant du gouvernement du Québec.
Le conférencier expose les avantages financiers d’une organisation coopérative devant s’occuper de la fabrication de conserves. « Il faudrait au moins un capital de 10,000$ pour faire l’organisation », poursuit le représentant du gouvernement. Ce dernier explique le fonctionnement d’une coopérative et termine son exposé en encourageant les agriculteurs présents à former leur propre coopérative. Il faut présumer que le conférencier s’était montré convaincant, car la réponse est affirmative : sur l’heure, vingt-cinq personnes souscrivent à dix actions de 10,00$, soit 100,00$. L’assemblée est ensuite ajournée pour attendre l’annonce de l’incorporation dans la publication de la Gazette officielle. Ainsi vient de naître la Société coopérative agricole de Sainte-Brigide.
Les choses ne trainent pas dans ce dossier car, huit jours plus tard, une nouvelle assemblée procède à la nomination du comité directeur. Sont élus J.-A. Brisson, Émile Bonvouloir, Philias Paquette et Timothé Martel. Puis les officiers sont nommés : J.-A. Brisson, président pour l’année 1937, Timothé Martel, vice-président, Arthur Lamarre, agronome, secrétaire temporaire. À la même assemblée, on demande à Bruno Chartier, de la Section des constructions rurales du Québec, de bien vouloir fournir des plans pour la construction d’une fabrique de conserves.
À une assemblée subséquente, Lucien Benjamin est nommé secrétaire adjoint de la Société et Léon Dextraze, propagandiste. Les directeurs établissent déjà les règlements de la coopérative : « Que le contrat d’achat et de vente soit le suivant, à savoir que les membres s’engagent à fournir leur production de tomates pour la fabrication de conserves suivant leur contrat spécial relatif à l’étendue conclu avec ladite société et que ce contrat soit signé pour une période de trois ans. »
Les démarches pour opérationnaliser le projet s’enchaînent dans une séquence fonctionnelle : d’abord l’achat d’un terrain ; après une tentative finalement rejetée, le comité directeur opte pour « un terrain mesurant un arpent de largeur sur la longueur à partir du chemin public du rang côté est de la rivière à la rivière de M. Thomas Dupuis au prix de 50 $ l’arpent à condition toutefois que l’on trouve l’eau suffisante pour l’exploitation de la fabrique avec option pour le reste du terrain si nécessaire à l’avenir. » Il s’agit du terrain où est située maintenant l’usine Nabco. Quant à l’eau, le contrat de creuser un puits est confié à Richard Mathieu qui s’engage « à raison de deux piastres et demie (2,50$) le pied pour un tuyau de six pouces ».
Dès juin, des pourparlers s’amorcent avec la Conners Machinery pour l’achat de la machinerie nécessaire au fonctionnement de la fabrique.
En somme, ce bref texte illustre comment est née une industrie qui a joué un rôle sans doute important dans l’économie de la municipalité de Sainte-Brigide. Enfin, il nous permet aussi de souligner le dynamisme des fondateurs et leur capacité de décision.
Luc Lewis. Sources : Procès-verbaux de la Société coopérative agricole de Sainte-Brigide. Archives de la municipalité de Sainte-Brigide. Août 2017.