Il avait 7 ans, Victor, et il s’en souvient très bien, c’était le dimanche de Pâques. Avant qu’il eût pu déjeuner, sa mère lui a mis dans les mains une bouteille en lui ordonnant d’aller au ruisseau, qui serpentait à trois cents pieds de la maison, et d’emplir la bouteille d’eau. Ce que fit le petit Victor, et sa mère fut tout heureuse d’avoir sa bouteille d’eau de Pâques. Elle pourrait asperger les quatre coins de la maison quand un orage grondera à faire trembler les bâtiments.
Le rituel de Victor faisait partie des traditions que pratiquaient plusieurs familles du Québec. Il y a de bonnes raisons de croire que les résidents de Sainte-Brigide pratiquaient également ce protocole à l’aube du dimanche de Pâques avant de se rendre à la grand-messe où ils pouvaient attendre et entendre le retour des cloches de Rome.
La tradition voulait donc qu’on se levât avant l’aube pour se rendre à une source, un ruisseau ou une rivière. Mais il y avait des conditions : selon la légende, la source d’eau devait couler à longueur d’année, sans être stagnante.
Une fois sur place, on attendait que l’aube se pointe pour cueillir le liquide, à contre-courant, et le rapporter à la maison, entreposé dans des bouteilles. Cette cueillette se faisait en silence, parfois en priant et avant que le soleil se pointe à l’horizon.
Cette eau aurait eu une particularité : on disait qu’elle ne se dégradait pas, comme l’eau bénite. Les anciens prêtaient à l’eau de Pâques une panoplie de vertus. Au Québec, les croyants lui prêtaient des vertus curatives lorsqu’appliquée sur les yeux d’une personne. Elle servirait de traitement contre l’eczéma, l’acné et la lèpre.
Elle préservait de la diarrhée et guérissait de la fièvre. Elle avait également des vertus esthétiques. Elle donnait, selon les croyances, beauté et séduction aux femmes qui se baignaient dans l’eau d’une rivière à l’aube le matin de Pâques. De plus, elle permettait de conserver plus longtemps la fraîcheur de la peau. Une condition toutefois : la dame devait se baigner en secret, sans dire un mot. Cette eau avait aussi des vertus plus « masculines » ; les hommes n’avaient qu’à plonger dans l’eau froide, toujours à l’aube, pour obtenir force et santé.
En plus de prétendre guérir et ralentir le processus de vieillissement, l’eau de Pâques était, selon plusieurs, un outil de protection. Il suffisait d’en asperger la maison à l’aide du rameau bénit le dimanche précédent pour la protéger contre la foudre et le vent. Les occupants tireraient également des bénéfices de ce rituel ; le liquide éloignerait les mauvais esprits et les malheurs, en plus de protéger contre les accidents mortels.
Luc Lewis. Sources : Internet, la mémoire de Victor Bonvouloir et de Marcel Benjamin. Avril 2019.