Que doit-on conclure de la proposition du conseil municipal inscrite en date du 5 février 1945 dans le livre des Minutes ? « Proposé par Joseph Bellavance secondé par Adonias Fontaine que demande soit faite aux Affaires municipales de donner nos avis et d’afficher seulement en français, car, depuis longtemps, nous n’avons aucune personne française. » Jusqu’à cette date, les avis et les affiches étaient-ils bilingues ? Y a-t-il eu plainte à ce propos ? Quelle réponse a reçu le conseil à sa demande auprès des Affaires municipales ? Les Minutes du conseil sont muettes sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, il semblerait que le conseil municipal se porte à la défense de la langue française même pour les Canadiens français de l’Ouest si on se fie à la proposition du 3 novembre 1947. « Attendu le vif intérêt que le conseil municipal de la paroisse de Ste-Brigide-d’Iberville porte à la question de Radio-Canada française dans l’Ouest canadien, attendu qu’il considère comme une insulte à l’élément français du pays les préjugés de race et de religion soulevés dernièrement relativement à cette question, il a été par conséquent proposé par le conseiller Gustave Loiselle secondé par le conseiller Albert Lemaire et résolu unanimement de prier les gouverneurs de Radio-Canada d’octroyer les permis sollicités pour l’aménagement et l’exploitation d’un poste de radio français, et que copie de cette résolution soit envoyé au Premier ministre du Canada, au gouverneur de Radio-Canada et aux journaux. »
Le 1er mars 1948, le conseil municipal revient à la charge pour la même cause. « Proposé par Adaige Loiselle secondé par Omer Audette et résolu unanimement, attendu que à peu près 30% de la population de notre pays est de langue française, attendu que la langue française est officielle au Canada, attendu que notre très Honorable Premier ministre, M. King, a dit qu’aux Canadiens français revenait l’honneur de conserver la culture française en Amérique, pour ces considérations, nous vous demandons d’accorder les permis de poste français à Edmonton à nos frères de l’Ouest. »
Encore insistance à la même date. « Proposé par W. Boulais secondé par Médard Bazinet et résolu à l’unanimité : attendu que la langue française est officielle au Canada, attendu que environ 30% de la population de notre pays est de langue française et connaissant votre grand esprit de justice et votre amour de la culture française en Amérique, le conseil de Ste-Brigide vous demande d’user de votre influence auprès des gouverneurs de Radio-Canada pour qu’ils accordent un permis de poste français à Edmonton pour nos frères de l’Ouest. »
Le 15 novembre 1955, le conseil municipal reprend sa lutte pour la langue, cette fois contre Bell Canada. « Attendu que le conseil est informé que des lettres doivent précéder les nos (numéros) de téléphone, attendu que ce conseil représente une population canadienne-française, appuie fortement qu’un nom canadien-français soit choisi, il est proposé par Joseph-Émile Bonvouloir secondé par Anastas Benjamin que le mot Bywater pourrait être changé par celui d’Axiome, que copie soit envoyée à M. V. H. McGoven. St-Jean. Qué. » Pourquoi « axiome » ? Les conseillers voulaient-ils qu’on accepte leur proposition sans démonstration ?
Comme le prouvent ces quelques extraits des procès-verbaux de la municipalité de Sainte-Brigide, la lutte pour imposer la langue française au Québec comme langue commune ne date pas d’hier.
Luc Lewis. Sources : procès-verbaux de la municipalité de Sainte-Brigide. Septembre 2015.