Le 5 septembre 1854, le gouvernement de l’Union vote l’abolition des seigneuries avec des avantages substantiels pour les seigneurs. Cependant, cette abolition ne sera pas complète et définitive et maintiendra partiellement la propriété seigneuriale. La loi reçoit la sanction royale le 18 décembre 1854 Cette loi réserve aux seigneurs la pleine possession des terres domaniales et de tous les espaces non concédés.
Le dédommagement des seigneurs sera assumé à la fois par l’État et par les anciens censitaires. Le gouvernement met en place un fonds seigneurial qui permet de verser immédiatement quelque dix millions de dollars aux seigneurs.
La loi de 1854 donne aux censitaires deux possibilités. Ils peuvent verser une somme forfaitaire désignée comme le « capital » de rente, équivalent à environ dix-sept années de rentes annuelles. Ils peuvent aussi continuer à verser annuellement une rente qu’on appellera désormais rente constituée. Cette rente devait durer cent ans, mais la loi n’a pas prévu de clause d’indexation au coût de la vie de sorte que la rente pèsera moins lourd au cours des ans.
Vers 1930, quelque 60,000 ex-censitaires paient toujours des cens et rentes sous forme de rente constituée dans plus de 200 seigneuries. Ces sommes représentent un capital total de 3,577,573 $ et des versements annuels de 212,485.53 $.
En 1940, l’Assemblée nationale a mis fin au lien féodal en créant le Syndicat national du rachat des rentes seigneuriales. En regroupant les quelque 800 municipalités où existent toujours des rentes, le Syndicat a pour mission de dédommager définitivement les anciens seigneurs en recourant à un emprunt de trois millions de dollars garanti par le gouvernement. La loi transformait la rente en une taxe municipale « spéciale » devant être acquittée par les anciens censitaires en même temps que les autres taxes.
En 1941, environ la moitié des sommes aura été remboursée aux seigneurs par le Syndicat. En 1944, l’essentiel de l’opération sera complété et la somme de 3,403,364 versée aux propriétaires des seigneuries. Quant aux municipalités concernées, elles vont administrer la « taxe seigneuriale » durant de longues années encore. Ce ne fut que le 11 novembre 1970 que le Syndicat a versé le dernier montant aux descendants des seigneurs. Victor Bonvouloir se souvient d’avoir payé cette taxe jusqu’en 1970. Il n’est sûrement pas le seul résident de Sainte-Brigide à l’avoir fait.
Source: Luc Lewis. Source : Benoît Grenier. Brève histoire du régime seigneurial. Montréal. Éditions Boréal. 2012. Janvier 2022.