À l’époque de nos ancêtres, «autonomie» n’était pas un vain mot. Ces gens savaient fabriquer tout ce dont ils avaient besoin… ou presque.
Lorsqu’il épouse Marie-Josephte Leduc, Timothé Martel reçoit de son père une terre de 2 X 30 arpents, avec une grange, au rang Rivière-Est de Sainte-Brigide, ainsi qu’un cheval, un wagon, un sleigh, un attelage, deux robes de carriole, un fouet, une couverte pour chevaux, un oreiller avec deux moutonnes, augmentés des biens de Marie : un lit garni, un rouet, une huche, une table, un buffet, deux chaudrons, une douzaine de couteaux, fourchettes & cuillères, deux poêles & une valise, deux moutonnes du printemps & une taure d’un an. Sa marraine lui offre une poule… Allez! Débrouillez-vous, mes tourtereaux!
Timothé construit une petite maison en bois rond, isolée avec de la paille et de la bouse de vache recouvertes de chaux, au plancher de terre battue. Il défriche un ou deux arpents de terre par année. Il bûche pour faire reculer la forêt; il remplit le sleigh de billots et va les porter au moulin à scie de Marieville. Ça lui prend toute une journée.
Il essouche au printemps et utilise une herse à dents de bois pour enlever les racines; il apporte toujours avec lui une poche de dents de herse qu’il a taillées durant l’hiver et peut ainsi remplacer celles qui se brisent. Il sème entre les souches qui ne sont pas encore enlevées.
Il n’a pas de lieuse; il récolte le grain à la main, le coupe à la faucille et en fait des « vailloches ». Les gerbes sont réunies en « stouk » pour les faire sécher. Après une semaine, il ramasse et apporte le grain à la batterie où il a étendu une toile par terre. Prenant les gerbes à deux mains, il les secoue ou les frappe avec un bâton pour en détacher le grain. La paille restante sera utilisée comme litière des animaux. Il n’a qu’une vache, quatre moutonnes et un cheval… et une poule, bien sûr!
Timothé pêche anguilles et barbottes à la petite rivière Sud-Ouest qui coule derrière la ferme. Il prépare lui-même les chaussures de sa famille, des souliers de « beu », faits de cuir de bœuf cousu avec de la babiche en peau d’anguille, plus accessible et imperméable que la peau d’orignal, aussi utilisée.
À la fin de sa vie, Marie-Josephte ayant paralysé, Timothé assume désormais les tâches ménagères, mais poursuit ses activités extérieures… Un homme complet!
Source : Chroniques de la famille Martel, Colombe Martel, 2011