Au temps de nos grands-parents, les étrennes étaient distribuées aux enfants le jour de l’An chez les Canadiens français et à Noël chez les Anglophones. Chez les premiers, c’était saint Nicolas qui récompensait les enfants sages, chez les seconds, c’était le père Noël. Avant ces deux distributeurs de cadeaux, on racontait aux enfants que c’était l’Enfant-Jésus qui passait dans la nuit apporter des « bébelles » aux enfants. Aujourd’hui, il faut l’admettre, le Père Noël a déclassé ces deux prédécesseurs, l’Enfant-Jésus et saint Nicolas. Il ne faut pas dire aux enfants que le gros ventru à barbe blanche est né aux États-Unis de la plume de Clement Clark Moore en 1822 ; entretenons le mythe qu’il est éternel.
Et les Canadiens français se sont mis à la mode américaine, on offre les cadeaux le jour de Noël. Il est à parier que les anciens de la place ont la nostalgie du jour de l’An de jadis. Laissons l’historien, Jean Provencher, rappeler le souvenir de ces moments.
Si le jour de l’An est une journée d’étrennes, il est aussi le moment par excellence dans l’année pour se visiter et s’offrir les souhaits les meilleurs. Bonne et heureuse année, répète-t-on, et le paradis à la fin de vos jours. Après la grand-messe, les femmes vont bien rendre visite aux membres de leur famille, mais seuls les hommes peuvent aller ici et là, de maison en maison, transmettre les vœux du jour. (…) À leur entrée dans l’appartement, les hommes embrassent, sans cérémonie, les femmes.
Le jour de l’An rassemble toute la parenté pour les repas du midi et du soir. Dès leur arrivée (chez l’aïeul), avant même d’être dévêtus (!), les enfants demandent à leur père sa bénédiction. » Après cet instant grave avait lieu la distribution des étrennes : bonbons, fruits, vêtements et parfois un jouet de fabrication artisanale.
Suivait un repas que les femmes avaient préparé de longue date : ragoût de pattes de cochon, tourtières, betteraves, patates, marinades maison, bref, tout ce qu’il faut pour constituer un repas de bûcheron… À table, on laisse une place vide, la « place du pauvre » ; si quelconque étranger se présentait, il aura part aux réjouissances.
La veille du jour de l’An, un cortège de jeunes gens se rendait dans les familles afin de recevoir des dons pour les paroissiens les plus pauvres : c’était la guignolée. Des produits de la ferme étaient offerts et, pour encourager les bénévoles à poursuivre leur quête dans le froid intense, la maîtresse de maison leur offrait un petit verre de rhum pour qu’ils se réchauffassent.
Aujourd’hui, dans la plupart des familles québécoises, c’est à Noël que l’on fête les enfants et que l’on distribue les cadeaux. Certains foyers poursuivent la tradition, font un réveillon, servent ragoût, tourtières, etc., et présentent pour dessert une bûche de Noël.
Luc Lewis. Sources : Jean Provencher. Les Quatre Saisons. Dans la vallée du Saint-Laurent. Montréal. Boréal. 1996. Photo de Mme Colombe Martel. Décembre 2020.