Une petite fille de Sainte-Angèle de Monnoir, paroisse voisine de Sainte-Brigide, fait montre d’un esprit d’entreprise peu commun à cette époque. Alice est née le 26 mars 1882 de Joseph Brodeur, menuisier et voiturier, et de Célanise Duclos. Elle a bénéficié d’une bonne instruction; elle est institutrice lorsqu’elle épouse le 10 février 1902, le voiturier Fortunat Martel, né le 31 juillet 1878 de Joseph Olivier Octave Martel et d’Odile Dubuc.
Dès son contrat de mariage, Alice démontre son avant-gardisme et sa détermination. À l’époque où toutes les jeunes filles se marient en communauté de biens, Alice, qui n’a pas tout à fait vingt ans, demande au notaire Joseph Élie Oscar Demers d’inclure une clause stipulant que les époux seront séparés de biens et nullement tenus des dettes et hypothèques de l’autre partie, et de plus, qu’elle demeure autorisée à régir, gérer et administrer tous ses biens et affaires, passer tous baux de ses biens immeubles, les renouveler et résilier, toucher ses loyers et revenus, entendre, débattre, clore et arrêter tous comptes avec ses débiteurs, disposer de ses meubles, toucher tous capitaux, en donner quittance et généralement faire tous actes de la plus entière administration, sans avoir besoin de l’autorisation ou du concours de son mari.
Le mariage est célébré le 10 février 1902 à Sainte-Angèle de Monnoir. Alice devient citoyenne de Sainte-Brigide en prenant maison avec son époux au lot 244, l’ancienne Auberge du Coin d’Honoréville, que Fortunat a acquis le 24 octobre 1901 d’Henri Ostiguy, en même temps que la boutique de voiturier de l’autre côté de la rivière du Sud-Ouest. Ils n’y resteront pas longtemps…
Le 17 mars 1905, Fortunat revend ses lots au voiturier Delphis Racine et établit son commerce à Côte Saint-Paul, Montréal où, assez tôt, il connaît des déboires financiers. Il fait faillite en 1917. Alice, femme d’affaires avisée, vient à la rescousse de son mari et reprend seule les affaires sous la raison sociale « MARTEL GARAGE CO. ». Elle n’a pas fini d’élever sa famille de dix enfants, le dernier est encore au berceau, et elle assume la gestion de l’entreprise, tout en luttant contre les préjugés du début du siècle dernier pour se faire respecter en tant que femme! Elle y réussit fort bien; les publicités quotidiennes donnent des résultats probants. Elle décède avant son époux, le 30 novembre 1955.
Colombe Martel, juin 2020
Source : Chroniques de la famille Martel, Colombe Martel, 2011 Banq numérique