Évidemment, le téléphone arabe a existé au temps de Mathusalem. Il semblerait qu’à l’époque de ce patriarche, ce média répondait aux besoins de communication du temps. Toutefois, la fiabilité de ce moyen de diffusion de l’information s’avère trop sensible aux humeurs du porteur de message dans une société de droit où l’absence d’une virgule peut altérer le sens d’un texte. Si le système arabe a fait et fait encore ses preuves pour répandre la rumeur, voire l’inventer, il étale trop ses faiblesses pour exposer un acte juridique ou une décision administrative. Aujourd’hui, quand une municipalité doit faire connaitre une de ses volontés, tels une offre d’emploi, une demande de soumissions pour travaux, un nouveau règlement, elle a, à sa disposition, les journaux régionaux, son propre bulletin d’information, la radio, etc. Au temps de nos ancêtres, ces médias d’information n’existaient pas, du moins dans les milieux ruraux. Alors? Alors, le conseil municipal mandatait le secrétaire-trésorier ou un autre officier pour procéder par avis public.
Le Code municipal précisait ce que devait contenir cet avis public :
- Le nom de la municipalité, quand il est donné par un officier ou le chef de cette municipalité;
- Le nom et la signature de la personne qui le donne et sa qualité officielle;
- Une désignation suffisante de ceux à qui il est adressé;
- Le lieu et la date auxquels il est fait;
- L’objet pour lequel il est donné;
Le lieu, le jour et l’heure auxquels les personnes appelées à satisfaire à cet avis doivent le faire.
Le crieur publicCe mandat était des plus officiels; le mandaté devait prêter serment « sur les Saints Évangiles (et) certifier avoir publié l’avis public ci-dessus et, d’autre part, en le lisant à voix haute et intelligible, à l’issue de la grand-messe du dimanche matin, à la porte de l’église catholique romaine en la paroisse de Sainte-Brigide, dimanche le cinquième jour de mai courant, et en en affichant une copie certifiée dudit avis sur la porte principale de ladite église et une autre copie certifiée dudit avis sur la porte principale du bureau du conseil municipal de la paroisse de Sainte-Brigide. Sainte-Brigide, le treizième jour du mois de mai mil huit cent quarante-neuf. Davis Lafond, juge de paix ». C’était un exemple parmi d’autres.
On imagine les paroissiens tout endimanchés, massés devant l’église après la grand-messe du dimanche, prêter une attention toute religieuse – le lieu s’y prêtait – au message que prononçait le crieur juché sur l’estrade construite à cette fin. L’avis public, à peine terminé, les ténors de l’opinion publique se faisaient entendre. Les avis publics du conseil, c’était sérieux : « Quiconque, à dessein, déchire, endommage ou efface un document quelconque affiché à un endroit public sous l’autorité des dispositions de ce code, encourt une amende de pas moins de une, ni de plus de huit piastres pour chaque offense. » À partir de novembre 1957, il n’y eut plus de lecture d’avis à la porte de l’église. Ces avis furent seulement affichés.
La cloche de l’église se prêtait aussi comme système d’information : elle annonçait les incendies, le trépas d’un paroissien, le mariage d’un couple, le baptême d’un enfant, les funérailles de tous, le début de la messe, l’Angelus du midi. Elle convoquait les marguilliers à une réunion de la fabrique.
Luc Lewis. Sources : Code municipal de la province de Québec de 1879. Procès-verbaux de la municipalité de Sainte-Brigide. Octobre 2019.