Les vieux de la place savent, mais la plupart des jeunes et ceux qui ne sont pas de la place ignorent que les terres de Sainte-Brigide furent jadis des terres à tabac. La preuve en est l’existence, comment précaire, du bâtiment qu’illustre la photo ci-contre : un séchoir à tabac. Bien que le temps ait fait son œuvre d’usure, le bâtiment illustre de façon généreuse ce qu’étaient ces séchoirs aux époques où les cultivateurs de Ste-Brigide fournissaient aux fumeurs de cigares le plaisir suprême d’emboucaner le salon en sirotant un verre de cognac.
Grâce à la complicité de monsieur et de madame Roger Daigneault, le bâtiment, visiblement en agonie, ne disparaîtra pas sans laisser sa trace dans les archives de la Société du patrimoine de Ste-Brigide. Il s’agit d’un authentique séchoir à tabac – peut-être un des seuls encore en vie pour quelque temps – situé au centre d’une des fermes de Roger Daigneault, celle qui fut celle de son père Louis, sur le rang de la Rivière est.
Bâtiment rectangulaire tout en bois, posé sur des blocs de ciment, avec une toiture en pignon faite de tôle rouillée, le séchoir à tabac avait quelques particularités : toutes les planches de recouvrement étaient distancées d’un quart de pouce pour permettre de laisser entrer l’air ; sur le toit trônaient deux évents, dont il ne reste que les coffres en métal.
La photo ci-contre permet de voir les poutres où l’on suspendait les plants de tabac. Ces derniers étaient embrochés par une latte qu’on suspendait, les unes à côté des autres, sur des poutres parallèles, qui longeaient les deux côtés du séchoir. Il y avait ainsi trois étages (dans certains séchoirs, il y avait 5 étages) de rangs de tabac. De quoi fabriquer des cigares pour embaumer toutes les maisons du village, voire de la région. Aux deux extrémités du bâtiment, les deux grandes portes permettaient aux voitures d’y circuler.
On dit que les terres propices à la culture du tabac étaient celles qui longent la rivière, donc les terres des rangs de la Rivière est et de la Rivière ouest. Les producteurs de tabac vendaient leur production à la Coopération agricole de Saint-Césaire. La concurrence de la région de Joliette fut fatale pour la culture du tabac à Ste-Brigide, car les terres de Lanaudière étaient plus productives que celles d’ici.
À Ste-Brigide, comme ailleurs, les temps ont changé, les mœurs ont évolué, la culture céréalière a remplacé la culture du tabac ; les fermes laitières et les porcheries se sont multipliées, et l’odeur des champs s’est, elle aussi, transformée…
Luc Lewis
Grand merci à M. et Mme Daigneault de leur collaboration pour la réalisation de cet article.