L’événement dont il est question ici se situe au temps où l’hôtel Monhomme était l’agora de Sainte-Brigide, lieu où étaient discutées toutes les problématiques internationales, nationales, provinciales, locales, familiales, voire personnelles. Aucune assemblée de moindre importance, aucun événement familial ou sportif, culturel ou communautaire ne trouvaient écho dans cet endroit.
Ce soir-là, ce furent les membres du Club des Raquetteurs Les Patriotes de Sainte-Brigide qui avaient accaparé les tables du bar où, à côté de quelques sacs de « chips », se côtoyaient les bouteilles de bière – des grosses Mol évidemment. Il faut savoir qu’en ce temps et en ce lieu, il était de pratique commune que plusieurs donateurs payent une tournée générale. Quand l’aubergiste se permettait de faire le décompte des participants, il comptait les bouteilles de bière vide ou à demi vide, et il divisait la somme par 3 ou 4, et le compte était habituellement bon.
Les raquetteurs discouraient sur leur prochaine activité car, lors de la réunion qui avait précédé la ruée au bar, le président du Club, Alain Giguère, avait annoncé que le prochain congrès provincial avait lieu à Sherbrooke. La secrétaire s’était contentée de prendre note des noms de ceux qui ne pouvaient y aller : c’était moins fastidieux que d’inscrire les participants.
Cette soirée, à l’hôtel Monhomme, n’aurait pas passé à l’histoire si, à un moment donné, un raquetteur déclara qu’il irait à Sherbrooke en raquettes. La phrase aurait pu se perdre à tout jamais si un autre raquetteur n’avait pas vérifié s’il avait bien compris. Ce qui centra l’écoute de tous ou presque sur le premier raquetteur qui répéta mot pour mot qu’il ferait le trajet de Sainte-Brigide à Sherbrooke en raquettes. Le climat était au défi, on s’en doute. Trois autres raquetteurs décidèrent de se joindre au premier. D’où le titre de cet article.
Autre chose qu’il faut savoir, un engagement pris à l’hôtel Monhomme devant les membres de son gang de chums était sacré. En tout état de cause, ce fut ainsi que les quatre raquetteurs firent ce qu’ils avaient juré de faire.
Mais une mauvaise surprise attendait nos quatre raquetteurs ; Dame Nature avait décidé que, le jour du départ, il n’y aurait pas de neige. Qu’à cela ne tienne, ils feront le trajet en « bottines », avec les raquettes et les mocassins sur le dos en cas que ladite Dame change d’idée lors de leur marche.
Comme par hasard, la nouvelle que quatre raquetteurs brigidiens marchaient, beau temps, mauvais temps, vers la capitale de l’Estrie arriva au lieu du congrès bien avant les raquetteurs.
Si nos quatre Brigidiens espéraient tirer quelques avantages qui auraient titillé leur amour propre, ils ne savaient pas que les organisateurs du congrès récupéreraient leur exploit au profit de l’Association provinciale. Un comité d’accueil fut mis sur pied et prépara l’accueil de nos quatre hommes. Ce fut ainsi qu’une foule bigarrée aux couleurs de Clubs participants les attendait à la porte de la ville et les accompagna jusqu’au lieu du congrès sous les feux des caméras de la télévision de Sherbrooke. La ville, elle aussi, voulut participer à la récupération de l’événement ; le grand livre d’honneur de la ville de Sherbrooke fut tiré des archives et placé dans la salle du conseil municipal où Pierre Daigneault, Michel Lemaire, Alain Drogue et Robert Marcoux y mirent leur griffe sous les applaudissements de nombreux admirateurs.
Luc Lewis. Source orale : Michel Lemaire et Luc Daigneault. Mai 2018