Quand les paroisses, il y a quelques décennies, ont fait face à de graves problèmes financiers dus à la baisse de la fréquentation de leurs fidèles aux pratiques religieuses, elles croyaient avoir trouver la solution, le bingo. Dans les années 1940, certaines paroisses, sans rencontrer les difficultés financières aussi lourdes que celles des temps contemporains, ambitionnaient d’améliorer leur budget, ne fût-ce que pour restaurer leur temple ou pour y ajouter quelques ornements à la mode dans la concurrence que se livraient les fabriques pour avoir le plus beau lieu de culte de la région, organisèrent des tombolas.
Et la paroisse de Sainte-Brigide entra dans la danse et fit sa tombola. Et c’était fête au village. C’était LA FÊTE. C’est ainsi qu’en parlent les anciens quand ils font appel à leur mémoire ancienne… les Gagnon, les Bonvouloir, les Benjamin…
On peut se permettre d’imaginer les marguilliers, sous les inspirations et les encouragements – peut-être les ordres – de leur pasteur, recruter, parmi les assidus aux messes, les personnes qui avaient avantage à faire montre de leur dévouement pour la cause de leur église.
L’événement, qui durait de deux à trois soirées, envahissait les espaces devant l’église et ne se gênait pas pour troubler la circulation de la rue Principale et du 9e Rang. Le conseil municipal demanda même au député de la circonscription, Yvon Thuot, d’envoyer un officier à la circulation, car « nous avons une tombola les jeudi, vendredi et samedi soir », se souvient le procès-verbal de l’assemblée municipale. Cela se passait dans les années 1847, du temps où Joseph-Arthur Brisson était maire, à l’époque où les autos ne polluaient pas encore la planète.
La tombola était, pour ainsi dire, une kermesse en mode ecclésial. Puisque l’objectif ultime de l’événement en était un lucratif, toutes les activités visaient à transférer les sous de la poche du citoyen à la cassette du curé. Il semblerait que l’imagination ne chômait pas; tout semblait permis si ça rapportait du pécule.
Imaginons une série de kiosques aux décorations rivalisant d’originalité présentant des défis apparemment simplistes, mais souvent légèrement truqués. La rumeur veut que les roues de fortune eussent la faveur des hommes qui tenaient à prouver que le sort les avait favorisés et que quelques dollars perdus ne les empêcheraient pas de payer leurs dîmes et leurs taxes. Elle veut, cette rumeur, que les femmes préférassent les bingos, jeu où l’on peut prolonger le « feeling » plus longtemps et bavarder avec ses voisines. Les jeunes gens rivalisaient à faire tomber un clown dans la piscine, à lancer des balles dans des paniers, à abattre une marionnette avec un fusil à plomb, à lancer un sou dans une assiette en espérant qu’il y séjourne pour gagner 5 cents, soit un profit de 500%. Les enfants quêtaient des bonbons et « un cornet de crème à la glace ». Les combats de lutte par des « professionnels » faisaient s’époumoner les spectateurs à stimuler les « bons » ou hurler contre les « méchants ». Le kiosque aux hot-dogs et aux hamburgers subissait l’assaut des affamés. Bref, il y avait des activités pour tous les goûts.
Luc Lewis. Sources : procès-verbaux de la municipalité et témoignages oraux de Victor Bonvouloir, Maurice Gagnon et Marcel Benjamin. Février 2018.