Marie sait tout faire : de la fabrication des chapeaux de paille à celle des mitaines, en passant par le tissage et la couture. À cette époque, on n’achète pas les matières premières… Le grain est récolté à la main et séché pendant une semaine, puis séparé des tiges en le battant; Marie choisit les plus belles et plus longues afin de tresser les chapeaux de paille pour sa famille au cours de l’hiver. Elle suspend ces pailles en paquets au grenier en attendant la saison du tressage.
À ce moment, elle les coupe en longueur de 30 à 36 centimètres et les dépose dans une auge remplie d’eau tiède; les tiges de blé deviennent très souples, et l’artisane peut les plier sans crainte de les briser. Elle lie ensemble cinq à neuf tiges de pailles et les tresse en une bande qu’elle enroule et garde précieusement en vue de la confection des chapeaux à l’approche de l’été. Avant cette dernière étape, elle mouille abondamment sa paille tressée, et la presse entre deux rouleaux pour l’amincir et lui donner une épaisseur régulière.
Le lin est aussi récolté à la main avec une faucille. Marie et Timothé battent les tiges au fléau pour en retirer la partie blanche à l’intérieur, celle qui sera utilisée. Marie file le lin et en tisse des draps, des essuie-vaisselle et des nappes. Elle récupère la laine des moutons, la file et la carde. Elle a l’habitude de garder derrière le poêle du « mordent », solution constituée d’urine qu’elle ajoute à ses teintures naturelles car l’acide urique fixe la couleur. Elle s’assoit à son métier à tisser et commence soit des jupes pour ses filles, soit des couvertures de laine.
Elle jardine et cuisine, pétrit la pâte à pain et la cuit dans le four. Dès l’automne, après avoir fait boucherie, elle prépare de grandes quantités de tourtières qu’elle conserve congelées dans des bidons à lait jusqu’aux Fêtes, période où la maison déborde d’activités et de visite. Elle fait aussi une variété de saucisses et, bien sûr, du boudin avec le sang des porcs qu’on vient d’abattre.
Marie est une vraie machine à tricoter; si un enfant perd une mitaine à l’école ou ailleurs, le soir même, sa mère en tricote une autre pour la remplacer; le lendemain, il a sa mitaine. Elle n’a jamais les mains au repos; même en visite, elle sort son tricot – elle a une pelote de laine dans sa poche – et tricote sans regarder son travail.
Elle ne sort jamais, elle n’a même pas le temps d’aller à la Messe du dimanche à Sainte-Brigide. Levée « à la barre du jour », elle se couche après tout le monde. Elle a toujours « deux ou trois petits » qui se promènent encore à quatre pattes, mais elle trouve le temps de garnir les lits d’une robe de dentelle et de beaux cache-oreillers patiemment ouvragés.
En 1919, malgré ses soins attentionnés, son fils cadet décède de la grippe espagnole… À la fin de sa vie, Marie paralyse et ne peut plus marcher ni parler… Elle qui n’a jamais arrêté, quel repos forcé!
De nombreux Martel descendent de Marie-Josephte, mais aussi des Cadieux, Bédard, Monty, Tarte.
Colombe Martel, février 2020
Sources : Chroniques de la famille Martel, Colombe Martel, 2011